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Par Alain Bouquet in
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Chronique

Quelle histoire de l'univers pouvons-nous reconstituer? Ce qui suit est une reconstruction qui s’appuie sur des observations fragmentaires et sur des théories incomplètes. Le jargon baptise "rayonnement" toute population de particules ultra-relativistes et "matière" toute population de particules non-relativistes: le rayonnement domine pendant le premier millier d’années qui suit le Big-Bang, et la matière ensuite. Le rythme de l’expansion n’est pas le même dans les deux cas.     

L’époque des contes de fée

L’histoire de la première seconde après le Big-Bang repose sur la physique des particules, dont les théories ne sont pas testées au-delà d’une centaine de GeV. D’où une grande part de spéculation.La relativité générale décrit très bien la gravitation à l'échelle macroscopique. Mais près du Big-Bang, les effets quantiques deviennent en principe considérables: l’échelle de temps attendue est le temps de Planck: tPlanck=5.4x10-44 s. On définit de la même façon une masse de Planck, une longueur de Planck, etc. Une gravitation quantique est donc indispensable, mais elle n'existe pas encore: ce qui se passe avant le temps de Planck est un grand mystère. Mais on peut spéculer, construire des modèles: théories de supergravité, de supercordes, de Kaluza-Klein, possibilités de dimensions supplémentaires de l’espace-temps, de fluctuations quantiques à l’origine de l’univers (d’un univers?)…. Le temps classique commence après le temps de Planck. La température est de l'ordre de 1030 kelvins = 1016 GeV vers t=10-38 s. Les interactions forte et électrofaible deviennent assez rapides pour assurer un équilibre thermique: on peut alors parler de la température de l’univers. S'il existe une "grande unification" des interactions forte et électrofaible à cette énergie, cette interaction unifiée se brise alors. La transition de phase correspondante peut alors entraîner l'apparition de monopôles, de murs ou de cordes cosmiques. L’énergie libérée dans cette transition de phase devrait contrôler l’expansion depuis lors, à moins qu’un mécanisme inconnu ne l’annule exactement (c’est le problème d’une constante cosmologique). La symétrie de grande unification viole en général les nombres baryonique et leptonique, permettant l'apparition d'une asymétrie matière-antimatière.

A une température de l'ordre de 1015K=100 GeV, vers t=10-10 s, la physique est mieux connue (Weinberg-Salam et QCD). La brisure de la symétrie électrofaible donne une masse aux W et au Z, ainsi qu’aux quarks et leptons (chargés en tout cas). Il est aussi possible que l’asymétrie matière-antimatière ne soit apparue qu’à ce moment. Quand la température tombe à 300 MeV, l’interaction forte devient confinante, et le plasma de quarks et gluons laisse place à un plasma de hadrons (pions et nucléons). Cette transition quark-hadron est mal connue, bien qu’elle ait des conséquences importantes sur la nucléosynthèse qui suit.     

La nucléosynthèse primordiale

Vers t = 1 s, la température est de l'ordre de 1010K =1 MeV et l'univers est une soupe de protons, neutrons et électrons en nombre à peu près égal, en équilibre thermique et chimique dans un brouet de photons et de neutrinos. La nucléosynthèse des noyaux légers peut commencer.

La nucléosynthèse primordiale s'effectue dans un intervalle de température étroit: à haute température, les noyaux de deutérium formés au cours des collisions entre protons et neutrons sont immédiatement photo-dissociés, et à basse température, les noyaux ne fusionnent pas à cause de la barrière coulombienne. La construction des noyaux ralentit donc très vite, et s'arrête quelques minutes après le Big-Bang, "gelée". La nucléosynthèse primordiale n'a guère pu fabriquer que de l'hélium 4, et ce sont les étoiles, disposant de densités beaucoup plus élevées et de beaucoup plus de temps qui synthétisent les éléments plus lourds. De plus il n’existe pas de noyaux stables de numéro atomique 5 ou 8, ce qui rend la synthèse plus difficile.

Le commencement de la nucléosynthèse est en grande partie déterminé par le nombre de photons comparé au nombre de nucléons: plus il y a de photons et plus les (rares) photons de très haute énergie pourront photo-dissocier le deutérium (Eliaison = 2.2 MeV), et ce n’est qu’en dessous de 0.1 MeV que les premiers noyaux survivent.
Dans le modèle standard, quasiment tous les neutrons se retrouvent dans l’hélium 4. Son l’abondance (par rapport à l’hydrogène) est donc liée à la proportion n/p de neutrons et de protons au début de la nucléo-synthèse. Elle est fixée par la différence de masse Dm entre protons et neutrons tant que l’équilibre entre protons et neutrons est assuré par la réaction n+n ´ p+e : alors n/p = exp{-Dm/T}. Quand la réaction devient trop lente (vers t = 1 s), le nombre de neutrons décroît (désintégration b n Æ p+e+). n/p dépend donc doublement de l’intensité de l’interaction faible.

Enfin, plus il y a de rayonnement dans l'univers (par exemple d’autres neutrinos), plus l'expansion est rapide, et plus le gel des réactions est rapide: il reste proportionnellement plus de neutrons, donc plus d’hélium. L'abondance observée de l'hélium 4 permit ainsi d'affirmer qu'il ne pouvait pas y avoir plus de 3 types de neutrinos légers, ce que le LEP a confirmé.

Une nucléosynthèse plus précoce signifie aussi que certaines réactions nucléaires s’interrompent avant d’avoir brûlé tout leur combustible, qui reste donc plus abondant (tandis que les produits de combustion sont moins abondants). Les abondances relatives des éléments légers prédites par le modèle sont en remarquable accord avec les observations (il y a bien sûr des incertitudes: combien de deutérium y a-t-il aujourd'hui dans l'univers, combien a été détruit dans les étoiles, quel est le taux de certaines réactions nucléaires…).La valeur du rapport nb/ng entre la densité des baryons et celle des photons impliqué par la nucléosynthèse primordiale permet de calculer la densité baryonique actuelle: rb = (2.1±0.2)x10-31 g/cm3 ce qui est est nettement plus faible que la densité critique rc = 1.9x10-29 h2 g/cm3, mais supérieur à la densité totale d'hydrogène et d'hélium vus sous forme d'étoiles ou de gaz rvisible = 10-32 g/cm3: une part importante des baryons n'est donc pas lumineuse et pourrait former cette matière sombre qui est observée (par ses effets gravitationnels) à l'échelle des galaxies.     

L’univers "récent"

Après ces premières minutes intenses, l’univers reprend son souffle et il ne se passe plus grand chose pendant quelques siècles. Puis deux événements majeurs se déroulent à peu près au même moment :
  • La matière devient neutre quand la température baisse en dessous de 3300 K (vers t ‰ 1013 s). Noyaux et électrons s’associent en atomes, puis en molécules (c’est la recombinaison). Les photons interagissent beaucoup moins avec ces atomes qu’avec le plasma et le rayonnement se découple. Les photons alors présents ne pouvant plus dès lors être absorbés sont toujours présents aujourd’hui et forment le fond de rayonnement à 2.73 K. Ils nous renseignent sur les conditions régnant alors dans l’univers. L’ isotropie de ce fond implique que les fluctuations de densité dr/r ne dépassaient pas alors 10-5. Ces inhomogénéités peuvent être présentes dès le Big-Bang, apparaître à la suite d'une période d'inflation ou être dues à la présence de défauts lors des transitions de phase.
  • La matière domine le rayonnement (rmat > rray) vers t ‰ 1011 à 1012 s, et contrôle ensuite l’expansion de l’univers. Les fluctuations de densité dr/r croissent alors par attraction gravitationnelle, et les galaxies commencent à se former.
La théorie de la croissance des fluctuations de densité par instabilité gravitationnelle est assez complexe, mais les points principaux sont les suivants :
  • Une fluctuation dr/r de la densité de matière croît au cours du temps si la masse M concernée est assez importante pour que la gravitation l’emporte sur les forces de pression et si cette masse M est plus faible que la masse critique dite masse de Jeans MJ, la perturbation de densité oscille simplement au cours du temps (onde sonore!). Cette masse de Jeans augmente au cours du temps jusqu’à 1018 Mo, puis tombe brutalement à 105 Mo après la recombinaison (quand la pression de radiation disparaît). Cela donne l’ordre de grandeur des structures qui peuvent se condenser.
  • Une fluctuation croît selon dr/r µ 1 + 3rmat/2rray en régime linéaire (dr/r<<1). Elle est donc "gelée" tant que le rayonnement domine et ne commence à croître que lorsque rmat > rray. Si la matière est couplée au rayonnement, ce qui le cas du plasma de noyaux et d’électrons avant la recombinaison, la croissance des fluctuations, freinée par la viscosité électro-magnétique, commence beaucoup plus tard, après le découplage, et a de ce fait moins de temps pour croître.
  • On observe des galaxies (où par définition dr/r > 1) dont la lumière a été émise 3 milliards d’années après le Big-Bang. Le facteur d’amplification depuis la recombinaison est ‰ 300, en contradiction avec la contrainte venant de l’isotropie du rayonnement (dr/r < 10-5). Si la matière non-relativiste est surtout formée de particules neutres (matière noire), l’amplification peut atteindre un facteur 104, ce qui est un peu juste (on invoque alors des "effets non-linéaires"…) Ces modèles ont du mal à reproduire simultanément la distribution observée des petites et des grandes structures (galaxies et amas). En normalisant à grande échelle, où les effets non-linéaires sont encore négligeables, les structures à petite échelle sont trop denses si la matière noire est formée de particules lourdes (masse de l’ordre du GeV), et trop diluées au contraire si la matière noire est formée de particules légères (m ‰ qq eV).
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   contact  site de ronald - cosmologie - 23-Avr-2006